[FEDER – FTJ] – Construire l’avenir du parc social : l’accélération européenne ?

Publie le 15 décembre 2025

Les fonds européens : un levier stratégique dans un contexte d’urgence climatique et sociale

La transition environnementale du parc social s’opère dans un contexte doublement contraint. Sur le plan climatique, l’Union Européenne a fixé des objectifs extrêmement ambitieux : neutralité carbone en 2050, réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et part d’énergies renouvelables portée à 49 % dans les bâtiments. Ces orientations se déclinent dans les politiques nationales et régionales qui imposent une accélération sans précédent de la rénovation énergétique et de l’adaptation des logements.

Sur le plan social, les ménages locataires sont de plus en plus exposés à la hausse du coût de la vie et au risque de précarité énergétique. Le parc régional, composé de bâtiments plus anciens que la moyenne nationale, comporte encore de nombreux logements en étiquettes DPE E, F et marginalement G, majoritairement chauffés au gaz. Les besoins d’investissements à horizon 2050 sont considérables : près de 490 000 actes de rénovation estimés en Hauts-de-France, pour un coût de 19,2 milliards d’euros (source : travaux Plan de décarbonation du parc social régional, Pouget consultants et GreenFlex, 2023).

Dans ce contexte, les fonds européens, en particulier le FEDER et désormais le Fonds de Transition Juste, deviennent essentiels pour soutenir les stratégies patrimoniales des bailleurs. Ils permettent d’engager des opérations ambitieuses malgré des équations financières de plus en plus fragiles.

L’URH joue ici un rôle pivot, en interface entre les bailleurs et la Région. Elle porte un plaidoyer constant en faveur des besoins du territoire, contribue techniquement à la définition des appels à projets, accompagne les organismes dans l’émergence et la structuration de leurs dossiers et garantit un dialogue permanent sur la faisabilité des critères, les seuils de performance et les modalités administratives. Cette fonction d’animation est devenue un maillon essentiel pour sécuriser l’accès des bailleurs aux fonds européens et pour inscrire les dynamiques régionales dans le cadre stratégique européen.

L’Appel à projets FEDER 2023 et 2025 : une dynamique de massification au service des enjeux régionaux

Appel à projets 2023 : structurer une première vague de massification

Lancé en 2023, le premier appel à projets de la période de programmation 2021-2027 a marqué une étape importante. Il a permis de sélectionner 46 opérations, représentant 5 593 logements pour un montant de 143 M€ HT de travaux éligibles.

Les exigences de performance (consommation moyenne visée de 96 kWhep/m²/an, intégration d’Énergies renouvelables), recours aux matériaux biosourcés, prise en compte de l’Analyse du Cycle de Vie) ont contribué à faire monter en qualité les opérations tout en maximisant les gains pour les locataires.

Cet appel à projet a joué un rôle important : il a démontré la capacité collective à mobiliser des projets en volume et a permis d’identifier les ajustements nécessaires pour la suite de la programmation.

Appel à projets 2025 : un changement d’échelle et des modalités renforcées

L’intérêt suscité par l’AAP 2025 confirme la dynamique enclenchée en région. Avec 161 opérations déposées, portées par 20 bailleurs, l’appel 2025 représente un total de 18 002 logements à réhabilite, pour un coût forfaitaire estimé à 406 M€ HT.
La part importante de logements individuels (35 %) reflète les spécificités du parc régional où les enjeux de décarbonation et d’adaptation sont particulièrement marqués.

La répartition géographique met en évidence une forte concentration dans le Nord et le Pas-de-Calais, mais aussi une montée en charge dans les zones où les équations financières sont les plus fragiles : les opérations en zone 3 de loyers passent ainsi de 13 % en 2023 à 22 % en 2025.

La nouveauté majeure de 2025 est l’activation du Fonds de Transition Juste (FTJ), qui permettra de financer des opérations supplémentaires dans les territoires les plus carbonés, dans le Nord et le Pas-de-Calais. Ce levier complémentaire ouvre de nouvelles perspectives pour accompagner des projets à fort impact environnemental et social.

De l’Europe au territoire : un cadre renouvelé pour le logement abordable et l’adaptation du parc

Les évolutions récentes des politiques européennes témoignent d’une reconnaissance croissante du logement comme enjeu de cohésion, de transition écologique et de justice sociale. Le Plan européen pour le logement abordable, les mécanismes de financement renforcés (InvestEU, BEI, Fonds social climat) et la révision des directives sur la performance énergétique placent désormais le logement social au cœur des stratégies communautaires.

Cette dynamique européenne se décline progressivement au niveau régional. Les discussions en cours entre l’URH et la Région visent à inscrire les besoins du territoire dans ce nouveau cadre : accélérer la rénovation énergétique, mieux intégrer les enjeux d’adaptation climatique (confort d’été, ventilation, gestion de l’eau) et explorer les conditions d’un soutien européen à la production neuve abordable et durable, notamment dans les secteurs où la tension immobilière et la vulnérabilité sociale sont les plus fortes.

Les reliquats de la programmation 2021-2027, ainsi que les premières orientations du futur cadre européen, ouvrent d’ailleurs la porte à des expérimentations : élargissement à certains publics spécifiques, appui à des opérations neuves exemplaires et meilleure articulation entre rénovation, renouvellement urbain et transition écologique.

Des fonds essentiels pour soutenir les stratégies patrimoniales et protéger les locataires

Les fonds européens constituent aujourd’hui un pilier incontournable des stratégies patrimoniales des bailleurs sociaux en Hauts-de-France. Dans un contexte de tension financière, d’augmentation des coûts et de raréfaction des aides nationales, ils permettent d’engager des opérations structurantes, d’améliorer le confort et la santé des habitants, et de réduire durablement les charges.

Au-delà de leur apport financier, ces fonds favorisent la montée en qualité des projets, l’intégration des enjeux d’adaptation au changement climatique et l’expérimentation de nouvelles approches pour la production de logements abordables.

À l’horizon 2026 s’ouvriront les négociations de la prochaine période de programmation européenne (2028-2034). L’URH continuera d’y porter la voix des bailleurs des Hauts-de-France, afin que les spécificités du territoire (parc ancien, forte présence de maisons individuelles, vulnérabilités sociales, enjeux carbone…) soient pleinement prises en compte.


Plus que jamais, l’Europe doit rester un partenaire stratégique pour garantir un logement abordable, durable et protecteur pour tous les habitants de la région.

Contact : Simon RAMBOUR – Responsable du pôle Territoires et Transitions – s.rambour@union-habitat.org