[DECRYPTAGE] L’hébergement : un secteur aux frontières du logement

Publie le 2 décembre 2021

Une étude réalisée par Julien DAMON, parue en septembre 2021, décrypte le secteur mal connu de l’hébergement qui se situe aux frontières du logement, de l’action sociale et de la santé.

 « Héberger, est-ce loger ? » 

Derrière ce titre, 33 planches offrent une vision globale de ce que représente le secteur et les politiques de l’hébergement :

▹ Qu’est-ce que recouvre l’offre d’hébergements ? A quels publics s’adresse-t-elle ? Comment les capacités d’accueil évoluent-elles ?

▹ Que représente les ordres de grandeur du secteur ? Quelles en sont les dynamiques comparées à celles du secteur du logement ?

▹ Comment la stratégie nationale Logement d’abord se traduit-elle dans les pratiques et dans l’offre d’hébergement ?

L’offre d’hébergement est diverse, voire dispersée, en termes de publics, de coûts de règles et de gestionnaires

Au sens strict, l’hébergement est celui des personnes défavorisés. Les structures d’accueil généralistes sont les CHRS, auxquels sont venues s’ajouter les structures d’accueil d’hébergement d’urgence et d’insertion : CHU et nuits d’hôtel. Côté hébergement spécialisé, on y trouve les LHSS, les centres maternels (ASE), et les centres d’accueils liés au DNA (CADA, HUDA, CPH).

Au sens plus large, l’hébergement comprend le logement accompagné, et les formes d’hébergement ciblant d’autres publics comme les personnes âgées et les personnes handicapées. Par logement accompagné, on entend les dispositifs d’intermédiation locative (sous-location, mandats de gestion) et les logements-foyers (résidences sociales, FJT, FTM, pensions de familles). D’autres formes hébergement ciblent des publics spécifiques : hébergement des personnes âgées (EHPAD, EHPA, résidences autonomie), hébergement des personnes handicapées (FAM, MAS, foyers de vie).

Les formules sont variées pour répondre à la diversité des publics et de leurs besoins d’accompagnement. Le secteur est pensé en strates : de la rue, à l’hébergement temporaire, au logement transitoire, jusqu’au logement pérenne. Certains produits d’hébergement se rapprochent du logement locatif, comme les résidences sociales : leurs résidents bénéficient d’un contrat d’occupation et d’une possible ouverture de droits aux APL, à l’image du logement de droit commun.

L’hébergement a une place consistante et croissante dans la société et l’économie

Dans l’hébergement au sens large « de 1990 à 2019, l’offre totale passe de 825 000 places à plus de 1,2 million. »

Parmi ces places, le secteur dit de l’AHI compte 503 000 places, dont près de la moitié est constitué de logements accompagnés (FJT, FTM, résidences sociales, pensions de famille, intermédiation locative).

« Les tendances sur quatre décennies sont principalement marquées par la progression de la capacité d’accueil pour les « personnes en difficulté sociale ». Elle été multipliée par plus de quatre en quarante ans. »

L’offre d’hébergement pour les défavorisés représentait 1 % de l’offre HLM en 1990.

Elle en représente 5 % aujourd’hui (hébergement au sens strict), 10 % avec le logement accompagné.

Avec l’ensemble du secteur médico-social, l’hébergement représente 20 % du parc HLM.

L’offre d’hébergement a progressé à un rythme bien plus soutenu que le logement social. Ce sont notamment les opérateurs Hlm qui portent le développement de ces produits « d’habitat thématique » (logements-foyers et structures d’hébergements) : 75% de la production Hlm récente est du logement familial, 25% du logement-foyer.

La stratégie nationale Logement d’abord s’est d’abord traduite par des efforts faits en faveur de l’hébergement

Entre 2004 et 2019, le nombre de CHRS a augmenté de 50%, les nuitées d’hôtel de 600%, l’offre liée au DNA a, elle aussi progressée, de 400% et elle a été diversifiée depuis la crise migratoire de 2015 avec les CADA, CAO, HUDA, et les PRAHDA. Sur la même période, l’offre de HLM a augmenté de 13%.

La production d’hébergement par les opérateurs Hlm a renforcé l’offre et sa qualité : le nombre de places (lits) diminue, plus que compensé par l’augmentation des équivalents-logements. En 2008, les produits d’habitat spécifique représentaient 5,7% du patrimoine Hlm (en équivalence SRU), en 2019 ils en représentent 7,3% en 2019.

Ces efforts faits en matière d’hébergement renforcent le panel de solutions habitat + services offertes par les opérateurs Hlm pour répondre aux aspirations et aux besoins des ménages.

La diversification de l’offre à bas niveau de loyer ne présume pas de la cible du logement social.

Le modèle du logement social français est généraliste de par son histoire. Sa mission est de corriger les difficultés d’accès, pour que toutes et tous puissent disposer d’un logement décent. La tendance plus récente est celle de la résidualisation du parc social avec pour mission de répondre à l’exclusion du marché.

Le baromètre 2019 de la DREES montre que les français sont plus que jamais partagés, mais demeurent attachés dans leur majorité au modèle selon lequel les ménages modestes et les classes moyennes doivent pouvoir bénéficier en priorité des attributions de logements sociaux.

Ce constat ne remet en rien en cause la stratégie Logement d’abord, dont le volontarisme se heurte à des difficultés variées et de natures différentes ; administratives (sans papiers), gouvernance, systèmes d’information, inertie… Stratégie nationale qui n’est pas facilitée par un soutien, pourtant attendu du mouvement Hlm, pour développer l’offre de logements classiques, de logements accompagnés, de produits spécifiques s’adressant à des publics qui peinent encore à trouver des réponses adaptées à leurs problématiques, à leurs capacités financières.

Petit glossaire de l’hébergement :

AHI : Accueil hébergement insertion

ASE : Aise sociale à l’enfance

CADA : Centre d’accueil des demandeurs d’asile

C(M)AO : Centre (mobile) d’accueil et d’orientation

CHRS : Centre d’hébergement et de réinsertion sociale

CHU : Centre d’hébergement d’urgence

CPH : Centre provisoire d’hébergement

DNA : Dispositif national d’accueil en faveur des demandeurs d’asile

EHPAD : Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

ESMS : Établissements et services médico-sociaux

FAM : Foyer d’accueil médicalisé

FJT : Foyer de jeunes travailleurs

FTM : Foyer de travailleurs migrants

HUDA : Hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile

LHSS : Lits halte soins santé

MAS : Maison d’accueil spécialisée

SIAO : Service intégré d’accueil et d’orientation

PRAHDA : Programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile

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