[Innovation] Comment valoriser un immeuble avant sa démolition ? Visite d’un musée éphémère dans une ancienne résidence Baie de Somme Habitat.

Publie le 22 juin 2021

Comment valoriser un immeuble voué à la démolition ? Quelles possibilités s’offrent à un organisme Hlm et aux acteurs sociaux du territoire pour donner un dernier souffle, une impulsion finale à des logements prochainement transformés en amas de béton et d’acier.

Les lieux sont chargés des récits de celles et ceux qui, pendant des années, ont habité ces murs, qui bientôt disparaîtront pour faire place à des constructions nouvelles, plus vertueuses et répondant aux attentes nouvelles des futurs locataires.

Yann COLIGNON, présente la démarche à l’URH Hauts-de-France

Les bailleurs sociaux le savent mieux que quiconque, les locataires Hlm ont un lien d’affection particulier avec leur logement. Des enfants qui grandissent, des événements heureux, des moments partagés avec les voisins… les équipes de proximité peuvent témoigner de ces récits qui façonnent le quotidien aux pieds des immeubles ou au cœur des résidences.

Alors comment donner de la noblesse à l’inéluctable démolition d’une résidence. Faisons l’économie de l’originalité et partons du commencement… Le bâtiment des Tilleuls situé à Abbeville et appartenant au bailleur social Baie de Somme Habitat est inscrit dans le cadre d’un projet global de renouvellement urbain liant les quartiers Bouleaux-Platanes et Soleil-Levant. Ce bâtiment datant des années 60 ne répond plus à l’exigence de l’organisme en matière d’habitat, et ne peut être réhabilité. Ainsi, ne pouvant échapper à la démolition, pourquoi ne pas profiter du lieu pour changer son utilisation, le transformer et le valoriser auprès de la population.

C’est ainsi que Transition est née…

Transition, car il s’agit d’un musée éphémère, un lieu de passage pour les artistes et pour le bâti lui-même. Le changement anime le projet coordonné par Baie de Somme Habitat et son Directeur Général, Jérôme Petit-Le Gallo, et Yann Colignon, responsable du 80100 SkatePark à Abbeville. Avec 24 appartements, soit plus de 2500 m² de surface comme terrain de jeu artistique pour plus de 70 artistes locaux, nationaux et internationaux, l’opération Transition a débuté en 2020 dans un contexte de crise sanitaire qui n’a pas facilité l’éclosion du projet, mais qui n’a en rien entamé la motivation des porteurs et des artistes sollicités pour participer à sa concrétisation. De Hydrane à Nasty en passant par Niark et Grems, ils sont nombreux et de notoriété hétérogène à avoir répondu présents à l’invitation.

Curieux de comprendre comment une telle initiative avait pu voir le jour et afin d’apprécier le résultat, une partie de l’équipe de l’URH s’est rendue sur place vendredi 25 juin pour une visite accompagnée. Après avoir parcouru les 24 logements totalement modifiés par les heures de travail des artistes, le résultat est à la hauteur de l’originalité du projet. Stupéfiant de constater comment en l’espace de quelques mois, une ancienne résidence Hlm s’est métamorphosée en une toile graphique, bariolée, au sein de laquelle se côtoie monstre aquatique, expérience sonore, graph à la bombe, installation… L’expérience est saisissante à la fois par son caractère inédit que par la qualité des travaux présentés. Au delà d’offrir un terrain de jeu original à de nombreux artistes, le projet a surtout vocation à valoriser le quartier et les habitants du Soleil Levant, en montrant un nouveau visage de la ville d’Abbeville au travers du dynamisme du street art local.

Plus encore…

Cette initiative est également un formidable moyen pour amener la culture au cœur même des quartiers, à une population parfois peu habituée aux musées académiques et aux galeries. Le musée se veut accessible au plus grand nombre (l’entrée est gratuite sur réservation), avec une sélection d’artistes souvent présentés aux expositions traditionnelles.

Ainsi, ce projet se veut à la fois une formidable opportunité responsable en valorisant un patrimoine obsolète, condamné à la démolition, et une solution innovante pour rendre la culture abordable au plus grand nombre.

L’expérience est concrète et avec 11 000 réservations sur une période de 3 mois (ouverture mai 2021 / fermeture fin août 2021), le succès est à la mesure de l’investissement consenti par les porteurs du projet.

Bravo à Yann Colignon et à Baie de Somme Habitat, qui ont su construire sur les bases d’une résidence vouée à la démolition, un projet ambitieux au profit du territoire et de ses habitants.